top of page

Face à l'aube, tenir la nuit, Extrait 1

4h37, un jeudi.

 

 

     Avec lui, j’ai chaud. Mais chaud, un truc de fou ! Y a pas mieux au monde que d’avoir chaud comme ça. Ceux qui ont, une fois, au moins rien qu’une, aimé avec cette sorte de fureur qui leur retourne les ongles dans le sang comprendront ce que je veux dire.

     J’ai chaud partout dans moi quand il est là. Partout, partout, tant qu’il est là. Mais sitôt qu’il s’en va, ça se renverse d’un seul bloc au pôle inverse avec ce que ça écrase au passage…

 

     Alors, j’ai froid. Il s’en va, j’ai froid. Un froid que c’est pas possible de l’endurer, un froid qui devrait pas venir, qui vient quand même et contre lequel je ne sais pas lutter.

    Il peut aller tabac, boulangerie, pharmacie, bistrot, supermarché, il peut aller partout et où il veut, je m’en fous, c’est pas le problème. Seulement quand il est plus là, j’ai froid.

     Sans lui, ça, j’ai juste froid.

     À en crever, j’ai froid. [...]

Face à l'aube, tenir la nuit, Extrait 2

22H36, un samedi.

 

 

     Quand elle est partie, on n’avait rien rangé. J’ai donné un coup de poing dans la fenêtre. Mon bras a traversé la vitre. Un éclair qui s’enfonce jusqu’au coude. Au carreau pété, y avait des petites boulettes de moi, chair et peau chiffonnées. Un tableau ridicule.

     J’ai regardé mon bras.

     C’était liquide et rouge comme une torche immense. Me suis croupi à côté du clic-clac. Mon bras. Du sang partout. J’ai lâché un peu mes larmes dessus. J’ai lâché pour rien. J’avais mal, mais je suis un homme, j’ai serré les poings. J’avais envie de cogner, cogner plus fort, casser casser encore, mais même la fenêtre était trop loin.

Face à l'aube, tenir la nuit, Extrait 3

11h32, un lundi.

 

 

    Les rues sont de plus en plus bêtes. Pitoyablement, ravageusement, tristement bêtes. Faudra un jour que je condamne toutes mes fenêtres.

    Mêmes désertes, les rues de ma ville sont bêtes. Ce n’est pas propre à la ville où je suis enterré, je sais que ça devient partout à cette image. C’est comme une gangrène qui se propage.

   Je me demande comment les gens supportent de suffoquer là-dedans.

bottom of page